Lancée officiellement lundi, Treq veut révolutionner l’industrie aérienne dans la Belle province à plus d’un titre. D’abord parce qu’il s’agit d’une coopérative, et parce qu’elle raisonne à l’inverse des transporteurs comme en fait foi son pari de miser sur le DASH-8 Q400 pour desservir le territoire, le plus gros turbopropulseur conçu par Bombardier-De Havilland.
«Les compagnies aériennes ont toujours dit aux régions: ‘‘Remplissez les avions et vous aurez du service et des bons prix''. Nous on va offrir le service et les bons prix et ça va remplir nos avions. Les coûts fixes sont plus faciles à répartir sur un avion de 80 places que sur un autre de 30 places», lance Serge Larivière, cofondateur de Treq avec l’homme d’affaires et hôtelier chicoutimien Éric Larouche.
Serge Larivière a déjà remporté un pari audacieux dans le domaine en faisant de Tremblant, dans les Laurentides, une destination aérienne internationale.
Après avoir participé au développement de la station de ski au début des années 90, il avait constaté, comme ses partenaires, que le manque d’accès pour la clientèle internationale était un frein à son développement. Il a donc acheté l’ancien aéroport militaire La Macaza, hérité de la Guerre froide, puis l’a transformé en aéroport civil qui accueille aujourd’hui Air Canada, Porter, et United Airlines.
«Au Québec, tout est possible. Qui aurait dit que notre village de 5000 habitants accueillerait 15 vols par semaine?», interroge celui qui a dû créer lui-même l’offre de transport au début, alors que les compagnies boudaient son aéroport.
Sous-exploité
Pour Serge Larivière et Éric Larouche, il ne fait aucun doute que le transport aérien est sous-exploité au Québec à cause d’une offre déficiente. Sinon, comment expliquer que selon les statistiques de l’Association internationale du transport aérien (IATA), il y a, en Ontario, cinq fois plus de voyageurs utilisant ce moyen de transport per capita.
Outre les qualités du Q400, qui est un avion moderne, très économique et silencieux, avec une capacité d’accueil et une rapidité comparable à un Boeing 737 sur de courtes distances, mais à une fraction du prix, le contexte économique actuel favorise l’appareil de Bombardier.
«Les Q400 sont arrivés sur le marché il y a 15 ans. On trouve donc beaucoup de bons avions usagés sur le marché et la crise actuelle augmente l’offre», analyse M. Larivière. Celui-ci estime que la coopérative devrait acheter cinq appareils de ce type lors d’une première étape. Avec la mise en place d’un système d’exploitation de la compagnie, il évalue l’investissement nécessaire à 60 M$, auxquels il faudrait ajouter 30 M$ pour les infrastructures aéroportuaires. Sur ce dernier point, il interpelle les gouvernements fédéral et provincial. «Je serais très à l’aise d’aller voir le premier ministre du Québec pour lui offrir de régler enfin son problème de desserte aérienne régionale. De connecter toutes les régions du Québec avec le reste du monde.»
Là-dessus, Treq ne part pas en guerre contre Air Canada. Tout d’abord, c’est elle qui a abandonné plusieurs régions. Et si elle veut continuer, par exemple, de desservir Bagotville, ce sera son choix.
«Nous croyons qu’Air Canada est un excellent transporteur pour relier le pays au reste du monde. Quand elle vient dans les régions, c’est pour amener la clientèle qui s’y trouve dans ses vols internationaux. Si elle le veut, nous pouvons le faire pour elle, même si notre but est avant tout de relier ensemble toutes les régions du Québec. Tout le monde sera gagnant», affirment MM. Larivière et Larouche, qui ont amorcé leur réflexion il y a déjà cinq ans, alors qu’Éric Larouche créait l’Alliance touristique du Québec. «C’est difficile de vendre une région quand le touriste doit se taper cinq ou six heures d’autobus. Nous sommes très désavantagés par rapport aux destinations internationales», constate ce dernier.
Lundi, les deux hommes qui se font les porte-paroles d’un regroupement de gens d’affaires de toutes les régions du Québec, ont lancé un appel au reste de la province. Car selon eux, la première étape à franchir est de créer la volonté d’agir. «Si tout le Québec des régions se mobilise, amasser 90M$ n’est pas insurmontable. Nous ne sommes pas là pour faire des profits, nous sommes une coop. Nous sommes là pour régler un problème. Il faut que les régions disent qu’elles embarquent. On a besoin d’un signal fort.»
Lac-Saint-Jean
Depuis la disparition d’Air Roberval et Air Alma, le Lac-Saint-Jean tente de se donner un transporteur viable et pérenne. Treq peut être une partie de la solution, croient les deux hommes. Mais il ne faut pas rêver. «Le Q400 n’atterrira pas dans tous les aéroports du Québec. Un autobus de voyageurs ne fait pas la tournée des quartiers et une fourgonnette ne fait pas de transports interurbains. Nous, notre avion c’est l’autobus. Nous pouvons ramasser les passagers à un aéroport central qui nous seront amenés par de plus petits appareils», précise Éric Larouche.
Treq espère acquérir sa flotte de Q400 au cours de l’automne et de l’hiver. D’ici là, elle a «sécurisé» deux Dash-8 300 (plus petit) pour répondre à la demande dans les régions abandonnées par Air Canada.