Le président de la République, Emmanuel Macron, est arrivé jeudi 3 mai en Nouvelle-Calédonie, il y restera trois jours. L’un des temps forts de son séjour sera sa visite à Ouvéa, samedi 5 mai, date anniversaire de l’assaut de la grotte de Gossanah par l’armée et la gendarmerie, en 1988. Au cours de cette attaque, dix-neuf militants indépendantistes, qui retenaient des gendarmes en otages, trouvèrent la mort. C’est la première fois qu’un chef de l’Etat se rend sur place.
En mai 1988, Le Monde avait fait le récit de ces événements. Dans un article intitulé « Sept questions et un mystère sur l’affaire d’Ouvéa », le journal avait notamment analysé la version officielle de l’assaut de la grotte, montrant qu’elle ne coïncidait « pas avec les faits ». Voici l’article publié le 14 mai 1988.
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Sept questions et un mystère sur l’affaire d’Ouvéa
Réclamée par SOS-Racisme et par la Ligue des droits de l’homme, la désignation d’une commission d’enquête sur l’assaut d’Ouvéa s’appuie sur un constat de bon sens : il y a trop d’imprécisions, sinon de contradictions, dans les différentes versions officielles rendant compte de l’assaut. La polémique sur les morts des deux chefs du commando indépendantiste – le « politique », Alphonse Dianou, et le « militaire », Wenceslas Lavelloi – et d’un des « porteurs de thé », chargés de ravitailler les otages et leurs gardiens, Waina Amossa, leur a donné une dimension nouvelle, autrement accusatrice.
Mais bien d’autres faits sèment le doute sur la cohérence des versions officielles : des détails, plus ou moins importants, se révèlent aujourd’hui mensongers ; des versions différentes de moments capitaux circulent entre l’Elysée et les autorités militaires, voire même au sein du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale. Il y a ainsi, au moins, sept points litigieux.
L’attaque de la gendarmerie de Fayaoué. Organisée par les indépendantistes, au matin du 22 avril, faisant quatre morts côté gendarmes et trois blessés côté FLNKS, elle est le point de départ de la prise d’otages : des gendarmes territoriaux et des membres d’un peloton de gendarmes mobiles, caserné ordinairement à Antibes, sont emmenés dans la grotte de Gossanah, avec un important arsenal (notamment un fusil-mitrailleur AA 52, plus d’une dizaine de fusils Famas et des grenades).
Or, dès le lendemain, la version de M. Bernard Pons affirme que trois des gendarmes tués l’ont été « à coups de hache et de sabre d’abattis », un seul l’étant par balles. Cette version jouera un rôle psychologique essentiel dans la tension créée à Nouméa aussi bien qu’à Paris. Même à l’Elysée, certains conseillers laissent alors entendre que « les cadavres ne sont pas beaux à voir ». Ici et là, les Canaques sont accusés de s’être acharnés à l’arme blanche sur leurs victimes. En somme, comme des « sauvages », selon une expression employée à chaud par M. Chirac.
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