A la une

Avec "Risques chimiques Pros", l'assurance maladie entend mobiliser 5 000 entreprises

Quelque 2 millions de salariés sont exposés en France à des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. Pour la Cnam et le réseau des Carsat, la prévention de ces expositions est prioritaire. C'était déjà le cas sous l'ancienne COG ; cela l'est encore plus avec la nouvelle. L'objectif est de toucher les TPE et PME – garages, BTP, etc. – avec une enveloppe financière conséquente et des outils pour que les entreprises s'approprient l'évaluation du risque.

"80 % des entreprises ciblées devront avoir établi un plan d'action fin 2022", annonce Marine Jeantet, directrice des Risques professionnels à la Cnam (caisse nationale d'assurance maladie), détaillant le 11 avril 2019 le nouveau programme national de prévention de l'assurance maladie, "Risques chimiques Pros 2018-2022", qui sera déployé durant l'année pour accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de mesures de prévention face à l'exposition des salariés à des agents chimiques dangereux.

L'objectif est ambitieux : l'assurance maladie veut mobiliser 5 000 entreprises sur toute la période. "Cela représente une population de 100 000 salariés", précise-t-elle. Il devrait cependant être atteignable puisque la Cnam indiquait l'an dernier avoir accompagné 5 000 entreprises sur cette problématique durant la période 2014-2017, via son réseau de Carsat. 60 % de ces entreprises auraient réduit leur exposition à l’une des substances CMR visées.

"L'enjeu est de toucher les TPE"

Avec 100 000 salariés visés, on est cependant encore bien loin des quelque 2 millions de salariés exposés, selon l'enquête Sumer 2010, aux CMR qui entreront dans le viseur de l'assurance maladie via le nouveau programme. Il s'agit des émissions de moteur diesel, huiles et fluides de coupe, poussières de bois, silice cristalline, formaldéhyde, plomb et ses dérivés, amiante.

Les secteurs concernés ne se limitent pas à l'industrie chimique, cela va du BTP aux laboratoires d'analyse, en passant par la menuiserie, la mécanique et usinage, le soin, laboratoires d'analyse, les garages, centres de contrôle technique,  ateliers de réparation poids lourds, etc. "L'enjeu est de toucher les TPE, déclare Marine Jeantet. Ce n'est pas forcément l'industrie chimique qui est prioritairement concernée."

Dans la COG

"L'enjeu de la branche AT-MP sera de poursuivre l’appropriation de l’évaluation du risque chimique par les entreprises et de les aider à maîtriser les situations les plus exposantes auxquelles sont confrontés leurs salariés", est-il acté dans la COG (convention d'objectifs et de gestion) 2018-2022, qui a été signée en septembre 2018. In fine, le but est de rendre les entreprises autonomes et de leur permettre de maîtriser les situations les plus exposantes.

Et ce d'autant plus que l'exposition aux agents chimiques dangereux fait partie des quatre facteurs de risques professionnels sortis du périmètre du C2P, compte professionnel de prévention (ex compte pénibilité). Ils font "désormais l’objet d’un traitement spécifique au sein du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente", est-il rappelé. "De ce fait, la branche AT-MP sera particulièrement mobilisée dans le renforcement de la prévention de l’exposition."

Montée en puissance jusqu'en 2022

La COG fixe des objectifs chiffrés. L'indicateur retenu est la part des entreprises ciblées qui auront mis en place un plan d'action suite à l'évaluation du risque chimique. Comme l'a souligné Marine Jeantet, il faudra que fin 2022, cette part s'élève à 80 %. Pour y parvenir une trajectoire assurant la montée en puissance est prévue : 15 % en 2019, 30 % en 2020, 60 % en 2021.

Concrètement, qu'est-ce que la branche Risques professionnels compte mettre en place cette année ? Outil clé qui demande des développements informatiques et devrait peu ou prou être sur le modèle de TMS Pros : une démarche de prévention des risques chimiques "structurée et adaptée à toute entreprise […] facilement accessible sur le web", expose l'assurance maladie.

Des outils déjà existants, tels que Seirich (système d’évaluation et d’information sur les risques chimiques en milieu professionnel), Mixie pour les poly-expositions ou Lara-BTP dans le bâtiment, seront aussi promus. SPF (Santé publique France) a de son côté plusieurs programmes d'appui, regroupés sur le portail Exp-pro.

Vers la substitution

Les Carsat seront là pour un accompagnement personnalisé des entreprises ciblées, avec "un suivi dédié sur le web, du conseil, des prestations en métrologie". Elles pourront aussi promouvoir les ressources documentaires sur les moyens de prévention, ainsi que les fiches d'aide au repérage et à la substitution des CMR (que l'on trouve sur le site de l'INRS en utilisant sur cette page le menu déroulant "collections"). Actuellement, 93 fiches sont disponibles, 55 pour l'aide au repérage (FAR) et 38 pour la subsitution (FAS).

Il ne faut pas oublier les recommandations élaborées par les partenaires sociaux au sein des CTN (comités techniques nationaux). La R497 organise par exemple la substitution dans les pressings du perchloroéthylène par l'aquanettoyage, avec des détergents ne présentant pas les risques inhérents aux solvants. La récente (avril 2018) R500 s'occupe des émanations de styrène que l'on trouve notamment dans l'industrie nautique, la plasturgie et la carrosserie : elle recommande la mise en œuvre de process avec des moules fermés.

Aides financières

Avec la nouvelle COG, le montant alloué aux aides financières pour les TPE-PME a plus que doublé. Jusqu'en 2017, les AFS (aides financières simplifiées, qui visent les entreprises de moins de 50 salariés) avaient une enveloppe annuelle de 25 M€. Désormais, c'est 60 M€ par an (en 2018, 2019 et 2020 – sachant que les sommes non utilisées se reportent d'une année sur l'autre jusqu'à la fin de la COG), et cela augmentera encore en 2021 et 2022.

Plusieurs de ces aides concernent déjà l'exposition aux risques chimique. Elles devraient être développées dans les mois qui viennent. Avec toujours le même principe : la subvention peut représenter jusqu'à 60 % de l'investissement, avec un co-financement de façon à ce que l'entreprise s'implique.

 

► Lire aussi :

Les aides à la prévention pour les TPE-PME se préparent à passer à la vitesse supérieure

 

Élodie Touret
Ecrit par
Élodie Touret