BEE APIUn début de saison « pas facile » pour les apiculteurs de Provence

Alpes-Maritimes : « La récolte de miel est quasi nulle », indique l’apiculteur Jean-Louis Lautard

BEE APIAvec des températures très basses, la sécheresse, en plus des gelées en début de mois, « la saison n'a pas bien commencé mais elle n'est pas finie », espère le président du syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud
Les abeilles sont menacées par plusieurs facteurs externes (Illustration)
Les abeilles sont menacées par plusieurs facteurs externes (Illustration) - F. Binacchi / ANP / 20 Minutes
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • À l’occasion de la fête du miel de Mouans-Sartoux qui se déroule ce dimanche, on fait le point sur la situation des abeilles de Provence.
  • Après le cri d’alerte des Corses au début du mois d’avril, Jean-Louis Lautard, le président du syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud, indique que les apiculteurs du coin vivent les mêmes conditions avec la sécheresse.
  • Il garde de l’espoir en se disant que la saison n’est pas terminée.

Les Corses ont tiré la sonnette d’alarme au début du mois d’avril. Les apiculteurs craignent « de voir disparaître [leur] activité et [leur] filière » à cause de deux années « désastreuses », surtout, liées aux conditions climatiques, relate Corse-Matin. Un constat partagé dans les Alpes-Maritimes, mais aussi dans « tout le Grand Sud-est », indique Jean-Louis Lautard, président du syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud (Sympa) même s’il ne va « pas jusque-là concernant la disparition de leur activité ».

« Dans toute la région provençale, on a subi les mêmes conditions météorologiques, précise l’apiculteur installé au Tignet. Même s’il y a eu quelques précipitations, on n’a pas eu suffisamment de pluie depuis mai 2021. » Depuis le 31 mars, la préfecture des Alpes-Maritimes a même placé plusieurs communes en « alerte sécheresse », observant un manque de 40 % à 60 % de précipitations, par rapport à la normale.

« Pour l’ensemble des filières, c’est catastrophique, appuie Monique Bassoleil, cheffe du pôle de la filière animale de la Chambre d’agriculture. Et pour nos apiculteurs, qui ont le Label Rouge, qui produisent l’un des miels les plus demandés en France et qui est très reconnu, c’est une grosse perte pour leur production. »

« Pour cette saison, c’est cuit »

En plus de la sécheresse, le département a connu des températures « très basses jusqu’à il y a quelques jours » avec « des gelées le 3 avril », pratiquement un an pile après les gelées de 2021. « On a eu deux nuits de suite avec des - 5 °C, -6 °C. Ce qui fait que les bourgeons qui étaient sortis sont cuits pour cette saison. Il faudra attendre l’année suivante », précise Jean-Louis Lautard.

Et il y a d’autres dangers pour l’abeille, surtout « depuis 2013 et l’arrivée des frelons asiatiques qui siègent devant les ruches et empêchent les abeilles de sortir ». Le président du Sympa reprend : « Cette pression est de plus en plus forte, surtout sur le littoral. Depuis qu’ils sont là, ça n’a fait que croître. Et ça tout l’été et maintenant, même l’automne. »

La cheffe du pôle de la filière animale complète : « On n’arrive pas à se débarrasser de cet insecte qui a réussi à s’adapter aux changements climatiques. Ce qui n’est pas le cas de nos abeilles, contrairement à ailleurs, où elles développent des mécanismes de défense pour continuer leur travail malgré tout. Un parasite de plus après un acarien qui était venu d’Italie et le varroa, un parasite qui se met dans les alvéoles des ruches ou qui se colle sur le corps de l’abeille, ce qui la handicape puisqu’il prend son sang. »

L’apiculteur résume : « La conjugaison du climat, la sécheresse, moins de fleurs et en plus un animal qui peut être prédateur, c’est mauvais pour l’abeille. » Les pesticides aussi jouent leur rôle, mais « notre région n’est pas la plus touchée », assure-t-il.

« La saison n’est pas finie »

Tous ces facteurs ont des conséquences sur la récolte de miel. En 2020, les Français en ont consommé 52.000 tonnes, d’après les connaissances de Jean-Louis Lautard. « Mais en France, on est capable de produire la moitié, voire le tiers [le reste étant principalement importé d’Espagne, d’Ukraine et de Chine]. » Ce qui ne sera peut-être pas le cas cette année. « Dans le syndicat, on représente 300 fermes d’appellation d’origine protégée et on produit 1.000 tonnes. L’année 2020 a été une très bonne année, 2021 était mauvaise et 2022, ne commence pas très bien… », remarque l’apiculteur.

Généralement, il commence la saison « assez tôt », en février, et pour l’instant, « la récolte de miel est quasi nulle. » Le professionnel rappelle : « La matière première du miel est 100 % végétale, ce sont les plantes. Si le végétal ne donne rien, les abeilles ne peuvent pas l’inventer. Mais la saison n’est pas finie. On garde espoir. »

Des solutions ?

En faisant l’état des lieux de la situation, l’apiculteur aux 1.200 ruches a conscience que son métier « n’est pas toujours simple » et que c’est « une passion de travailler avec les abeilles ». « Il ne faut pas se décourager. Il faut être à l’écoute des abeilles. Agissons ce sur quoi nous pouvons agir. » Pour contrer le frelon, une expérimentation de piégeage est en cours.

Et par rapport aux conditions climatiques, Jean-Louis Lautard se déplace au gré des floraisons pour aller à la rencontre des fleurs si, autour des ruches, il n’y en a pas. « Je me doute bien que c’est compliqué de déplacer toutes les ruches du Sud si toute la Provence est touchée, mais il faut pouvoir s’adapter et offrir à nos abeilles un environnement meilleur pour qu’elles se mettent au boulot. »

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Monique Bassoleil dresse le même bilan. « La transhumance est aussi devenue un problème pour certains apiculteurs. Comme ils vont loin, jusque dans les Alpes-de-Haute-Provence, ça coûte cher en essence et sans miel, ils ne font pas de ventes. Il y en a qui ont alors développé d’autres activités sur leur exploitation et ne font plus que de l’apiculture. » Pour elle, « il n’y a pas vraiment de solutions. On peut faire de la sélection d’abeilles reines, mais c’est très long ». « On est d’ailleurs en train de participer à des projets pour modéliser les scénarios en fonction du rapport du Giec pour essayer de créer des outils mais à l’heure actuelle, ce ne sont que des projections, rien de vraiment concret. »

Pour en savoir plus à ce sujet, la 28e fête du miel de Mouans-Sartoux, « une action pédagogique collective », se déroule toute la journée du 1er mai avec différentes activités. Une centaine d’apiculteurs du département sera présente, dont Jean-Louis Lautard, pour répondre à toutes les questions du public.

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