Jean-Louis Barrault

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Jean-Louis Barrault
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Jean-Louis Barrault en 1970.
Naissance
Le Vésinet (France)
Nationalité Drapeau de la France Français
Décès (à 83 ans)
Paris 16e (France)
Profession comédien, metteur en scène
Films notables Drôle de drame (1937)
Les Enfants du paradis (1945)

Jean-Louis Barrault, né le au Vésinet et mort le à Paris 16e, est un comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault est le fils du pharmacien Jules Barrault (1876-1918) et de Marcelle Hélène Valette (1884-1939)[1]. Ancien élève du Lycée Chaptal et de l'École du Louvre, il est d'abord élève de Charles Dullin et acteur de sa troupe de 1933 à 1935. À vingt-cinq ans, sa rencontre avec Étienne Decroux le pousse à se passionner pour le mime.

Il se fait remarquer dès 1929 en exposant au Salon des humoristes une peinture nommée Poupée réaliste[2].

Carrière[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud en 1952.

Théâtre[modifier | modifier le code]

Grenier des Augustins[modifier | modifier le code]

À partir de l'été 1935, Barrault anime le «Grenier des Augustins», studio et troupe expérimentale qui travaille dans le grenier du bâtiment sis au numéro 7 de la rue des Grands Augustins, près des quais de la Seine dans le quartier de Saint Germain des Prés. Ce bâtiment du XVIIe siècle avait été l'hôtel particulier de la maison de Savoie, fut ensuite subdivisé, tomba en décrépitude, et hébergeait depuis le XIXe siècle des ateliers d'artistes. Balzac y situa l’atelier du peintre de sa nouvelle Le Chef-d’œuvre inconnu, et Pablo Picasso y installa son atelier de 1937 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et c'est là qu'il produisit son célèbre tableau Guernica. Barrault y vécut de 1935 à 1936[3].

Au temps de Barrault, le numéro 7 abritait au rez-de-chaussée une salle syndicale, au 1er étage un atelier de tissage, et au grenier (troisième étage) un studio d'artistes. Le grenier avait été loué par Jean-Louis Barrault, qui avait transformé ses trois grandes salles en une salle de théâtre, une salle d'habitation commune, et un modeste studio pour lui-même. La salle principale était vaste, mesurant 12 mètres de long sur 8 de large, avec un haut plafond traversé par d'anciennes poutres en bois. Picasso dira plus tard que cette salle lui rappelait un navire, avec des passerelles, une cale et une quille - une référence aux poutres anciennes qui en composaient la charpente[4]. Barrault y hébergea en 1932 le Groupe Octobre de Jacques Prévert, et depuis ce temps, la grande salle servait à des représentations artistiques, dans une atmosphère assez bohème, comme l'a rapporté Prévert: « On montait des spectacles, et un tas de gens venaient. Aussi bien des gens qui faisaient du théâtre que d’autres... qui ne foutaient pas grand-chose. Et quelqu’un venait lire une pièce, ou des choses de ce genre... C’était un endroit très agréable et Barrault en a gardé davantage même que le souvenir, par exemple ». S’y tinrent aussi en 1936 plusieurs réunions du mouvement « Contre-attaque » dirigé par Georges Bataille avec André Breton, dont une cérémonie pour commémorer la décollation de Louis XVI[3],[5].

À côté de la grande salle, le «dortoir», une longue salle mince mesurant 14 x 4 mètres, hébergeait un assortiment de personnages transitoires qui y dormaient, mangeaient et y faisaient leurs besoins. Enfin, la troisième pièce, mesurant 8 x 4 mètres, était le studio privé de Barrault.

Autres projets[modifier | modifier le code]

Barrault entre à la Comédie-Française en 1940 et en devient le 408e sociétaire le . Il y met en scène Le Soulier de satin et Phèdre, deux pièces qui assurent sa célébrité. Il démissionne le .

Durant l'Occupation, on retrouve Barrault parmi les vedettes régulièrement invitées à l'antenne de la chaîne de télévision allemande Fernsehsender Paris, jusqu'à la libération de la capitale[6].

En 1946, il fonde avec sa femme Madeleine Renaud la Compagnie Renaud-Barrault et s'installe pour dix ans au Théâtre Marigny. Ils engagent André Brunot, Pierre Bertin, Catherine Fonteney, Georges Le Roy, Jean Desailly, Jacques Dacqmine, qui viennent de la Comédie-Française, ainsi que Marie-Hélène Dasté, Régis Outin, Pierre Renoir, Simone Valère, Jacqueline Bouvier-Pagnol, Gabriel Cattand, Jean-Pierre Granval, et les musiciens Pierre Boulez et Maurice Jarre. En 1954, il emménage dans le théâtre le Petit Marigny.

Avec André Frank, il crée en 1953 la revue les Cahiers Renaud Barrault, publiés aux Éditions Julliard, puis chez Gallimard.

En 1958, il fonde le « Nouveau Cartel » avec André Barsacq, Jean Mercure et Raymond Rouleau.

En 1959, il se voit confier par le ministre des Affaires culturelles, André Malraux, le théâtre de l'Odéon, qui devient L'Odéon-Théâtre de France, et dont il est le directeur. Jean-Louis Barrault y manifeste un éclectisme qui pourra lui être reproché : il monte les grandes œuvres du répertoire classique (Racine, Shakespeare), mais crée aussi des pièces contemporaines : Rhinocéros de Eugène Ionesco en 1960, Oh les beaux jours de Samuel Beckett en 1963 [7], Des journées entières dans les arbres de Marguerite Duras en 1965, Les Paravents de Jean Genet en 1966 (Cette pièce, créée peu après fin de la guerre d'Algérie, fait scandale et est violemment perturbée chaque soir par des militants d'extrême-droite[8]. À l'Assemblée nationale, André Malraux, Ministre d'État chargé des affaires culturelles, prononce un discours pour s'opposer à l'interdiction de la pièce[9]). Jean-Louis Barrault continue aussi à populariser le théâtre de Paul Claudel.

Durant Mai 68, il ouvre le théâtre de l'Odéon aux étudiants, qui l'occupent pendant plus d'un mois. André Malraux ne le lui pardonne pas, et Barrault est contraint à la démission. Avec sa femme, la comédienne Madeleine Renaud, il a aussi affaire aux critiques de certains manifestants sur leur conception du théâtre, qui leur conseillent de « trouver des places à l'hospice »[10],[11].

Plaque au 18, avenue du Président-Wilson (Paris).

Il installe ensuite sa compagnie dans une salle de catch, l'Élysée Montmartre, puis dans la gare d'Orsay[12], qu'il aménage en théâtre d'Orsay et présente dans Italiques[13], et enfin au théâtre du Rond-Point. Jean-Louis Barrault y signe des créations originales à partir de sa lecture des grands auteurs (Rabelais, Ainsi parlait Zarathoustra, Zadig).

En , il fait partie des membres fondateurs du Comité des intellectuels pour l'Europe des libertés[14].

En 1988, il incarne à nouveau Berlioz dans Lélio ou le retour à la vie, deuxième partie de La symphonie fantastique, enregistré sous la direction de Pierre Boulez.

Cinéma[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault en 1943 studio Harcourt à l'époque du film Les Enfants du paradis.

Jean-Louis Barrault a été aussi un très grand acteur de cinéma.

Dans Drôle de drame de Marcel Carné (1937), il joue le rôle de William Kramps, tueur de bouchers.

Il incarne Hector Berlioz en 1942 dans La Symphonie fantastique de Christian-Jaque.

Dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné (1944), son interprétation inoubliable de Baptiste-Deburau, popularise son génie du mime.

Il joue le double rôle du docteur et d'Opale en 1961 dans Le Testament du docteur Cordelier de Jean Renoir.

En 1964, Jean-Louis Barrault joue le rôle de M. Douve, employé de mairie dans La Cité de l'Indicible Peur de Jean-Pierre Mocky d'après le roman de Jean Ray. Son personnage s'avère porter un autre rôle sous-jacent d'importance, ce qui démultiplie l'intérêt et la réussite du jeu de Jean-Louis Barrault, dans sa justesse et sa pertinence[15].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault épouse Madeleine Renaud le et s'installe avec elle, de 1940 à 1994, au 18 avenue du Président-Wilson (16e arrondissement de Paris). Une plaque leur rend hommage. Ils sont inhumés ensemble au cimetière de Passy (division 3) à Paris[16].

Il est l'oncle de Marie-Christine Barrault.

Conception du théâtre[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault s'est toujours résolument installé dans le présent. Le théâtre est pour lui un art total, proche de la vie, qui fait au spectateur le cadeau de ces instants à saisir, dans l'immédiateté de l'émotion. La vie s'exprime d'abord par le langage du corps, qu'il a découvert grâce au mime ; Barrault se veut le disciple d'Antonin Artaud.

Cohérent avec cette philosophie, il a bien voulu rejoindre le Comité d'honneur du Festival Mimos, composé de Marcel Marceau, Jacques Lecoq, Ferruccio Soleri, Bob Wilson, Kazuo Ohno, pendant quelques années Maguy Marin puis Josef Nadj[17]. La réunion de ces personnalités exceptionnelles, très différentes l'une de l'autre, montrait que le mime avait atteint les sommets de créativité[18].

Théâtre : comédien[modifier | modifier le code]

Théâtre de l'Atelier
Comédie-Française
Théâtre Marigny
Théâtre Sarah-Bernhardt
  • Tournée aux États-Unis et Canada
Théâtre du Palais-Royal
Odéon-Théâtre de France
Élysée Montmartre

Théâtre : metteur en scène[modifier | modifier le code]

Comédie-Française (1940-1946)[modifier | modifier le code]

Théâtre Marigny (1946-1956)[modifier | modifier le code]

Étranger, festivals[modifier | modifier le code]

Théâtre Sarah-Bernhardt (1957)[modifier | modifier le code]

Théâtre du Palais-Royal (1958-1959)[modifier | modifier le code]

Odéon-Théâtre de France (1959-1968)[modifier | modifier le code]

Saison 1959-1960
Saison 1960-1961
Saison 1961-1962
Saison 1962-1963
Saison 1963-1964
Saison 1964-1965
Saison 1965-1966
Saison 1966-1967
Saison 1967-1968

Élysée Montmartre[modifier | modifier le code]

  • 1968 : Rabelais, musique de

Michel Polnareff, orchestrations : Jean Claudric.

Théâtre d'Orsay (1972-1981)[modifier | modifier le code]

Théâtre Renaud-Barrault (1981-1991)[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

  • Réflexions sur le théâtre, J. Vautrain éditeur, 1949
  • A propos de Shakespeare et du théâtre, Éditions de la Parade, 1949
  • Phèdre, mise en scène et commentaires, Éditions du Seuil, 1946
  • Journal de bord : Japon, Israël, Grèce, Yougoslavie, R. Julliard, 1961
  • Le Phénomène théâtral, Clarendon press, 1961
  • Je suis un homme de théâtre, Éditions du Conquistador, 1955
  • Nouvelles réflexions sur le théâtre, préface d'Armand Salacrou, Flammarion, 1959
  • Souvenirs pour demain, Éditions du Seuil, 1972
  • Correspondance Paul Claudel - Jean-Louis Barrault, Gallimard, 1974
  • Comme je le pense, Gallimard, 1975
  • Saisir le présent, avec la collaboration de Madeleine Renaud, Robert Laffont, 1984

Filmographie[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

Inauguration de la place Jean-Louis Barrault à Tournus, le 17 janvier 2013, en présence de Marie-Christine Barrault, Julien Barrault, Alain Barrault et M. le maire.

Le 24 juin 1994, la ville d'Avignon renomme l'une de ses bibliothèques, par délibération du conseil municipal, au nom de l'homme de théâtre et de cinéma décédé cette année-là[21].

En 1994, lors de l’extension du théâtre d’Orléans, une des deux nouvelles salles, dotée de 604 places, est baptisée du nom de l’homme de théâtre[22]

2013 : la ville de Tournus, à laquelle la famille Barrault est liée depuis le XVIIIe siècle, a inauguré le une place Jean-Louis Barrault, en présence de la nièce de l'acteur, Marie-Christine Barrault, et des frères et neveux de celle-ci.

 : Mémorandum Théâtral en hommage à Jean-Louis Barrault au théâtre Le Proscenium (Paris 11°), écrit et interprété par Marie Den Baës.

Tombe de Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud au cimetière de Passy (division 3).

Distinctions[modifier | modifier le code]

Décoration[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud-Barrault furent tous deux nommés directement officiers, lors de la toute première promotion de l'ordre le [23].

Prix[modifier | modifier le code]

Dans la fiction[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Généalogie sur Geneastar.org.
  2. Édouard-Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, tome 1, A-E, Art & Édition, 1930, p. 81
  3. a et b Barrault, "Le Grenier des Grands-Augustins", in Souvenirs pour demain (Seuil, 1972, p. 92, 98 ff.
  4. Brassai, Conversations avec Picasso, Gallimard.
  5. Pour la citation de Jacques Prévert, voir “Prévert sur le Grenier des Augustins”, vidéo filmée le 14 janvier 1967, consultable sur www.ina.fr.
  6. Emmanuel Lemieux, On l'appelait Télé-Paris, Paris, éditions L'Archipel, « L'Histoire secrète des débuts de la télévision française (1936-1946) », page 153, 2013, 259 p. (ISBN 2809811296)
  7. Mise en scène de Roger Blin. Le rôle de Winnie restera comme l'un des plus célèbres de Madeleine Renaud
  8. Claude Liscia, « BARRAULT Jean-Louis, Jules », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
  9. « Assemblée nationale - Grands moments d'éloquence parlementaire - André Malraux (1966) », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
  10. « Festival de Cannes, théâtre de l'Odéon: la culture en ébullition en mai 68 », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  11. « Mai 68 vu par l'AFP - A l'Odéon, Barrault annonce sa "mort" », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  12. L'actuel musée d'Orsay.
  13. À l'occasion de la présentation des pièces Le Suicidaire et Ainsi parlait Zaratoustra, Italiques, deuxième chaîne de l'ORTF, 26 avril 1974.
  14. « Tous au CIEL : un combat intellectuel antitotalitaire (1978-1986) présenté par Alain Laurent », sur lesbelleslettresblog.com, .
  15. Initialement nommé La Grande Frousse d'après le roman sorti en 1943, le film est rebaptisé en 1972 du titre du roman éponyme dont il est inspiré, selon la volonté du réalisateur
  16. Cimetières de France et d'ailleurs
  17. Programmes du festival Mimos de Périgueux de 1992 à 2002. Peter Bu
  18. Michel Corvin, Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre, Paris, Bordas, , 940 p. (ISBN 2-04-018456-2), article de Peter Bu "Mime", pp. 557/558
  19. « Zadig de Voltaire », sur INA
  20. Vagabonds imaginaires sur EncycloCiné
  21. Ville d'Avignon, « BPBiblioJeanLouisBarrault » [PDF]
  22. « La Scène nationale d’Orléans »
  23. Arrêté du 24 septembre 1957 pourtant nomination dans la première promotion de l'ordre des Arts et des Lettres. Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses, p.1002, 9 octobre 1957

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Antonin Artaud, Lettres à Jean-Louis Barrault, Bordas, 1952 ;
  • Denise Bourdet, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault, dans: Pris sur le vif, Paris, Plon, 1957 ;
  • André Frank, Jean-Louis Barrault, Éditions Seghers, Collection Théâtre de tous les temps, 1971 ;
  • Christian Genty, Histoire du Théâtre national de l'Odéon : journal de bord, 1782-1982, Éditions Fischbacher, 1982 ;
  • Gérard Bonal, Les Renaud-Barraud, Éditions du Seuil, 2000 ;
  • Paul-Louis Mignon, Jean-Louis Barrault, Éditions du Rocher, 2003.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]