Le chanteur britannique Roger Waters, attendu ce vendredi au Centre Bell, a offert un appui de taille aux étudiants qui militent pour les droits des Palestiniens à l’Université McGill. Ceux-ci se disent victimes de représailles de la part de l’administration et de leur association étudiante.

En mars dernier, 71 % des étudiants ont voté pour une politique de solidarité avec la Palestine qui enjoignait à l’Association étudiante de l’Université McGill (AEUM) de boycotter « les sociétés et les institutions complices de l’apartheid colonial contre les Palestiniens ». La mesure s’inscrivait dans la campagne internationale Boycottage, désinvestissement, sanctions (BDS).

« C’est une défaite écrasante pour [l’organisation juive] B’nai Brith et pour le mouvement sioniste en général dans le monde », a lancé la légende de Pink Floyd lors d’une visioconférence organisée jeudi par l’Institut canadien de politique étrangère.

CAPTURE D’ÉCRAN DE LA PRESSE

Roger Waters

Or, la politique de solidarité avec la Palestine a été abandonnée par l’AEUM après que l’administration de l’Université eut menacé de couper le financement du syndicat des étudiants de premier cycle. L’initiative encourage « une culture d’ostracisme et de manque de respect en raison de l’identité, des convictions religieuses ou politiques des étudiants », a justifié Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante de l’Université, dans un courriel massif.

« Le référendum a été organisé sur la base d’une question truquée et le quorum a été tout juste atteint », renchérit Marvin Rotrand, directeur de la ligue des droits de la personne au sein de B’nai Brith.

La majorité des étudiants ne savaient même pas qu’un vote avait été tenu. L’Université a voulu annuler le résultat parce qu’il contrevient à ses valeurs.

Marvin Rotrand, directeur de la ligue des droits de la personne au sein de B’nai Brith

Le collectif à l’origine du référendum, Solidarité pour les droits humains des Palestiniens (SPHR), a vivement condamné la volte-face du conseil d’administration de son association étudiante, renommé « conseil des dictateurs » dans une déclaration parodique. En représailles, l’AEUM a décidé de priver le SPHR de ses ressources pendant 105 jours.

L’organisation accuse en outre des membres de l’exécutif de l’AEUM d’avoir participé à la création d’une « liste noire » d’étudiants palestiniens et propalestiniens. Certains auraient été la cible de surveillance et d’intimidation en ligne, rapportent les journaux étudiants McGill Tribune et McGill Daily. L’association a ouvert une enquête sur ces allégations.

L’AEUM n’avait pas donné suite à notre demande d’entrevue au moment de publier.

McGill dans le viseur

L’ex-chanteur de Pink Floyd, tout comme SPHR, croit que l’administration de l’Université McGill se plie aux demandes d’organisations comme B’nai Brith Canada et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Ce dernier a qualifié l’initiative propalestinienne d’« antisémite, polarisante et antidémocratique ».

Le 6 mai dernier, Roger Waters, l’auteur canadien Yann Martel et quelque 200 universitaires, artistes et penseurs ainsi qu’une quarantaine d’organisations ont signé une lettre ouverte pour dénoncer les menaces « antidémocratiques » de l’administration de l’Université McGill. « Votre administration cherche à faire taire le débat sur la dépossession des Palestiniens et à empêcher les étudiants de McGill de protester contre les abus d’Israël », ont-ils écrit.

Jointe par La Presse, l’Université McGill n’a pas souhaité émettre de commentaires.

Depuis 2006

Lors de son allocution sur Zoom, l’auteur d’Another Brick in the Wall s’est dit rassuré par la mobilisation des jeunes Montréalais. « Que plus de 70 % des étudiants d’une grande université comme McGill se sentent interpellés et votent pour une telle cause, c’est remarquable. Ça montre à quel point les choses ont évolué depuis mon implication pour les droits humains et politiques des Palestiniens, en 2006. »

Cette année-là, le rockeur anglais devait se produire au parc Hayarkon de Tel-Aviv, en Israël, mais des conversations avec des alliés de la Palestine l’en ont dissuadé.

C’est finalement dans un champ de Neve Shalom, village paisible où cohabitent Juifs et Arabes, que son concert et son militantisme ont pris leur envol.

Selon le chanteur, des mouvements comme BDS et des efforts comme ceux de SPHR portent leurs fruits. « Il y a cinq ou six ans, on ne pouvait pas utiliser le mot apartheid en référence au programme sioniste, observe-t-il. On ne s’en sortirait pas. Aujourd’hui, c’est impossible d’avoir une quelconque discussion sur le projet sioniste en Palestine sans utiliser le mot “apartheid”. C’est devenu accepté par tout le monde qui a un QI minimal ou qui connaît un tant soit peu de la situation dans les territoires occupés. »

Selon M. Rotrand, de B’nai Brith, Roger Waters adopte des positions « extrémistes » et « anti-israéliennes ».

« Il faut avoir un partenaire qui veut la paix pour pouvoir y arriver. M. Waters ne facilite pas le dialogue et une solution pacifique qui pourrait être reconnue par le monde diplomatique. »

Roger Waters présente son concert This is Not a Drill ce vendredi au Centre Bell et dimanche au Centre Vidéotron.