Du courage moral qui nous fait cruellement défaut (bis)

CHRONIQUE | Les idées molles, libérales et bourgeoises, amplifiées par la peur de choquer ou de subir la violence des opposants, s’immiscent profondément dans le terreau de la pensée

Dénonçons les pleutres intellectuels et célébrons ceux et celles qui défoncent les entraves à la liberté de la pensée dissidente!

J’ai eu la chance, au cours de la dernière semaine, de m’entretenir avec le chanteur Roger Waters dans le cadre d’un webinaire organisé par l’Institut canadien pour la politique étrangère (Canadian Foreign Policy Institute, un groupe de réflexion anti-impérialiste), et la section de l’Université McGill de l’organisme Solidarité pour les droits humains palestiniens.

Connu pour ses opinions politiques radicales, le fondateur du mythique groupe Pink Floyd a profité de l’occasion pour réitérer son soutien indéfectible à la cause palestinienne, particulièrement la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) envers Israël.

Car voyez-vous, l’administration de l’Université McGill a menacé la principale association étudiante de lui couper les vivres après qu’elle ait voté en faveur d’une politique de solidarité avec le peuple palestinien et sa lutte contre les pulsions génocidaires de l’appareil politique israélien. Ce faisant, l’administration cédait à des pressions venant des béotiens sionistes du B’nai Brith, tristement légendaires pour leurs campagnes d’intimidation juridique contre toute personne ou tout organisme défiant la suprématie de la pensée colonialiste israélienne.

C’est ainsi que disparaît le droit fondamental à la circulation sans entrave des idées dissidentes, au sein même des institutions de haut savoir, quand leurs dirigeant·es se rendent coupables de cette pleutrerie intellectuelle tueuse de liberté.

Remarquez que l’administration de McGill agit exactement comme les poltrons qui dirigent la Ligue majeure de baseball aux États-Unis, qui ont eux aussi cédé sous le chantage de ce même B’nai Brith en 2020, lorsque l’organisation réclamait le retrait des publicités pour la tournée de Waters. (La tournée fut reportée à 2022 en raison de la pandémie de COVID-19).

La liberté, la vraie, menacée

Les tactiques de relations publiques impitoyables menées par le B’nai Brith contre les sympathisant·es pro-palestinien·nes avec la bénédiction des institutions de pouvoir reflètent très bien l’air du temps et les menaces qui planent sur les défenseurs de la pensée dissidente.

Partout en Occident, tout·e politicien·ne aspirant aux hautes officines doit professer sa foi en deux grands piliers de nos politiques : le capitalisme et l’appui indéfectible envers Israël.

C’est ainsi que sont ensuite trainés dans la boue en toute impunité des mouvements comme BDS, ou alors toutes sortes de revendications considérées comme trop radicales, comme les nécessaires mesures de décroissance économique face à l’urgence climatique ou le droit inaliénable à l’autodétermination des Premiers Peuples.

Même au sein de la grande et dysfonctionnelle famille de la gauche politique, les idées molles, libérales et bourgeoises, amplifiées par la peur de choquer ou de subir la violence, s’immiscent profondément dans le terreau de la pensée.

Là, comme de la mauvaise herbe, elles tuent les racines de la désormais nécessaire radicalité de nos actions, présentes et à venir.

Ces faux gauchistes apeurés et autres progressistes de salon de thé s’accrochent désespérément à la défense de cette idée saugrenue qu’un système patiemment construit et fondé sur des siècles d’oppression et d’illusions démocratiques puisse être changé de l’intérieur. Que les grands médias, cooptés par la machine impériale à force d’être achetés et intégrés par de grands conglomérats et autres multinationales marchandes de destruction, constituent toujours un rempart face aux grands pouvoirs.

Les demi-actions de tous ces pleutres, des administrations universitaires aux intellectuels à gages, finissent par les rendre complices de notre déclin et aussi de l’oppression continue de ceux et celles qui ont désespérément besoin d’allié·es au sein de l’empire.

IIs rejoignent ainsi les soldats de la pensée dominante, ceux et celles qui mettent leur intellect au service des puissants, parfois même en se créant une illusion de résistance légitime face à l’avancée d’idées réellement révolutionnaires.

En saisissent-ils seulement l’ironie? Si oui, ils sont des larbins. Sinon, ce sont des idiots. Et dans les deux cas, ils se rendent coupables de fraude.

Rappeler le courage moral

Par chance, j’ai aussi pu assister au spectacle de Waters à Québec, en compagnie de camarades américains de Veterans for Peace et de militant·es pro-palestinien·nes actif·ves dans la Vieille Capitale.

Tout au long de ce concert qui nous fait baigner doucement dans la confortable nostalgie des belles années de Pink Floyd, Waters rappelle et fait lui-même preuve, grâce à l’emploi d’écrans géants, de ce courage moral qui, comme je l’avais écrit dans une précédente chronique, nous fait cruellement défaut.

Il évoque les victimes de l’insidieuse brutalité policière qui fait rage dans nos sociétés, citant même le cas de Pierre Coriolan, un homme noir souffrant de problèmes de santé mentale et tombé sous les balles des policiers du SPVM. Il a également rappelé que si nous avons eu vent de nombreux crimes de guerre commis par l’armée américaine durant la « guerre au terrorisme » – la pointe de l’iceberg, j’en suis persuadé –, c’est grâce à Chelsea Manning et à Julian Assange.

II rappelle que tous les présidents américains des dernières décennies (la période Reagan-Trump) sont des criminels contre l’Humanité.

Il revendique des droits de base pour une pléthore d’opprimé·es – peuples autochtones, personnes trans, groupes minoritaires victimes de la suprématie blanche.

Dénonçons donc les pleutres pour mieux mettre en évidence les courageux·ses.

Auteur·e

Ce site web utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur optimale. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité.

Retour en haut