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La charge au vitriol de la Cour des comptes contre l’Ordre des médecins

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Les Sages lui reprochent d’être trop masculin et vieillissant, mais aussi d’avoir une gestion approximative, d’être inefficace et d’employer des proches.

C’est un rapport au vitriol que publie ce lundi matin la Cour des Comptes contre l’Ordre des médecins, organisme privé créé en 1945 pour assurer la discipline de la profession: respect des principes de moralité, probité, compétence et déontologie. Les médecins sont obligés d’adhérer à l’Ordre et s’acquittent d’une cotisation, qui s’élève à 335 euros en 2019. Avec plus de 300.000 médecins inscrits, l’Ordre dispose ainsi d’un budget annuel d’environ 85 millions d’euros.

Premier reproche des magistrats financiers: l’Ordre, présidé par le Dr Patrick Bouet, généraliste en Seine Saint-Denis, est sociologiquement peu représentatif du corps médical en activité. De fait, sur les 3311 conseillers ordinaux, moins d’un tiers sont des femmes -et seulement 9% au Conseil national de l’Ordre (CNOM), l’instance qui chapeaute les conseils départementaux et régionaux- alors qu’elles représentent près de la moitié du corps médical et près de 60% des jeunes médecins.

Non seulement l’Ordre est un repère d’hommes, mais c’est un cénacle de vieux, reproche également la Cour: l’âge moyen des membres du CNOM est en effet de 68 ans, contre 51 ans pour les médecins actifs. Et cerise sur le gâteau, alors que les fonctions ordinales sont normalement bénévoles, la Cour pointe les indemnités élevées de certains conseillers: 9177 euros bruts par mois pour le président et plus de 8211 euros bruts pour le secrétaire général.

Il ne s’agit pas d’argent public, puisque les ressources de l’Ordre sont tirées, pour l’essentiel, des cotisations dont s’acquittent les médecins. Chaque cotisation est ventilée entre conseil départemental, conseil régional et Conseil national. Mais un flou artistique entoure la gestion, accusent les Sages de la rue Cambon. A l’exception du CNOM, aucun conseil n’établit de bilan ni de compte de résultat. Pire: alors que l’Ordre emploie... 583 salariés en 2018 (en progression de 10% en 7 ans), les Sages alertent sur la nécessité de «mettre fin à la pratique de recrutements favorisant les liens familiaux». Une façon pudique de parler de népotisme. La charge est sévère... mais ne s’arrête pas là.

Car l’Ordre ne remplit qu’imparfaitement son rôle, selon la Cour: il ne vérifie pas assez le respect des obligations de formation obligatoire des médecins (le développement professionnel continu ou DPC), pourtant garantie de la qualité des soins. Il ne détecte pas les praticiens dont l’insuffisance professionnelle ou l’état de santé rend dangereux l’exercice de la médecine. Et le contrôle des règles déontologiques laisse à désirer, affirme les magistrats. A titre d’exemple, 82 conventions ont été transmises entre 2016 et 2018 à l’Ordre pour des prestations assurées par le Pr X, chef de service à temps complet dans un CHU, pour un montant de 726.000 euros! Tandis qu’un pneumologue a participé à onze congrès internationaux, invité par des sociétés spécialisées.

Enfin la Cour dénonce un manque de rigueur dans la gestion des plaintes contre les médecins, qu’elles concernent la qualité des soins, les certificats de complaisance, ou les comportements inadéquats avec les patients.

Face à ce rapport au vitriol, le CNOM organise ce lundi, en milieu de matinée, une conférence de presse pour évoquer ce rapport, dont il entend contester des pans entiers tant sur le fond que sur la forme. Dans sa réponse à la Cour, l’Ordre s’étonne que plusieurs de ses missions soient passées sous silence, et conteste «l’analyse parcellaire» de la Cour sur l’efficacité de ses missions administratives et disciplinaires.

Si l’Ordre conteste aussi l’analyse portée sur sa gestion, il affirme être «soucieux de poursuivre la modernisation de l’institution d’ores et déjà engagée depuis six ans». Il va accélérer, sur ce point, la mise en oeuvre de certaines mesures correctives dans le cadre des recommandations de la Cour des Comptes.

Au final, l’Ordre affirme qu’il continuera à faire entendre la voix des médecins dans le débat public, dans le cadre de ses missions, en s’appuyant sur son ancrage territorial. Dont acte.

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133 commentaires
  • John Flyfucker

    le

    Cher Modérateur, Mon commentaire "refusé" est parfaitement légitime : " l’Ordre est un repère d’hommes". Cela s'écrit : "repaire" ! Ne perdez pas vos repères !

  • Toubib 44

    le

    Bonjour,
    @ Jim009,
    Vous devriez vous renseigner très sérieusement sur ce que recouvre très précisément la notion de "Secret Professionnel" pour un Médecin. Vous découvririez ses limites très strictes et très précises, et la constante Jurisprudence en cas de manquements. =>La "consultation à distance" et la nécessité d'un interprète avec un Médecin étranger posent de gros problèmes de respect du secret professionnel.
    Donc non, je ne suis pas de votre avis : aucune structure publique ne peut remplir les missions de l'Ordre concernant le respect du secret professionnel.
    Pour votre gouverne : aucune structure publique et aucune assurance privée n'y ont accès; et même un Médecin du travail n'y a accès que partiellement.
    >Cordialement.

  • Toubib 44

    le

    Bonjour,
    @Boxerrâleur,
    Le MICA* (=préretraite dès 56 ans !) a été mis en place à la fin des années 80, et a fonctionné de 1988 à 1996 pour "favoriser les économies de santé en diminuant l'offre de soins" (authentique !); et ce, malgré les mises en garde de l'Ordre et des Syndicats !
    => Résultat, en 2019 la France devient un désert médical...
    >Cordialement à vous et à tous.
    PS : MICA* = Mécanisme d'Incitation à la Cessation Anticipée d'activité.

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